CHAPITRE II
Wedge Antilles salua l’amiral Ackbar.
— Merci de me recevoir, monsieur.
— Je suis toujours ravi de vous voir, commandant Antilles. (Un des yeux pivotants du Calamarien se tourna vers l’autre personne présente dans son bureau). Le général Salm et moi étions en train de parler des conséquences du retour de l’Escadron Rogue dans la flotte. La liste des membres de l’unité est impressionnante.
— Oui, monsieur. Je voulais vous en parler, justement. Des modifications y ont été apportées sans que j’aie été consulté.
Le visage du général Salm se ferma.
Il croisa les mains dans son dos.
— Certaines circonstances… incontrôlables ont rendu ces changements nécessaires, commandant.
— J’en ai conscience, général. Les lieutenants Hobbie Klivan et Wes Janson sont compétents. Ils seront parfaits pour la formation de nouveaux escadrons, même si j’aurais préféré les garder. Et je comprends pourquoi la moitié des places libres dans mon unité ont été distribuées pour des raisons politiques…
Ackbar leva la tête.
— Mais vous n’approuvez pas ?
— Amiral, j’ai passé une bonne partie de ces deux dernières années, depuis la mort de l’Empereur, à visiter les mondes nouvellement ralliés à l’Alliance, pour leur montrer que nous n’étions pas des bandits. J’ai fait des discours, j’ai embrassé des bébés, j’ai été filmé avec une quantité incroyable de chefs de planètes… J’ai vu comment notre propagande a fait de l’Escadron Rogue le fer de lance de la victoire contre les Étoiles Noires…
Salm, le général en charge du centre de formation des chasseurs stellaires de Folor, eut un sourire acide.
— Vous comprenez donc pourquoi il est important que nos alliés aient des représentants au sein de votre escadron ?
— Oui, mais je connais la différence entre un véritable escadron de chasseurs et le monstre que le Rogue deviendra sous votre influence. L’Empire ne se contentera pas de voir arriver nos vaisseaux pour baisser les bras !
— Bien sûr que non !
— Général, ce que notre corps diplomatique suggère revient à ça ! Les Bothans veulent un pilote dans l’Escadron Rogue parce qu’ils ont trouvé l’emplacement de la seconde Étoile Noire. Les Thyferriens ont deux représentants parce qu’il nous faut garder l’équilibre entre les conglomérats qui contrôlent la production de bacta…
Ackbar leva une main palmée.
— Commandant, la seule question importante est la suivante : les pilotes sélectionnés sont-ils inférieurs aux autres candidats ?
— Non, monsieur, mais…
— Mais ?
Luke me dirait qu’il ne sert à rien de se mettre en colère… Il aurait raison.
— Amiral, je commande un escadron de chasseurs. Nous sommes une unité d’élite. La seule chose que j’aimerais changer est le pourcentage de survivants. De plus, général, je suis d’accord avec votre choix à l’exception de deux pilotes : Rogue Cinq et mon commandant en second.
— Le lieutenant Deegan est un excellent pilote.
— C’est vrai, général, mais il est de Corellia, comme Corran Horn et moi. Ça fait beaucoup de Corelliens dans l’escadron.
— Vous envisagez quelqu’un pour le remplacer ? demanda Ackbar.
— Oui. J’aimerais avoir Gavin Darklighter.
Salm secoua vigoureusement la tête.
— Impossible ! C’est un simple garçon de ferme de Tatooine !
— Je vous demande pardon, monsieur, mais Luke Skywalker aussi était un fermier de Tatooine.
— Vous ne voulez pas dire que ce Darklighter contrôle la Force de la même façon que Skywalker ?
— Je l’ignore, monsieur. Mais je sais que Gavin est aussi courageux que Luke. (Wedge se tourna vers le Calamarien.) Le cousin de Gavin, Biggs, était avec Luke et moi à Yavin. Il y est mort. Gavin est venu me voir et a demandé à intégrer mon escadron.
— Le commandant Antilles omet de préciser que ce Gavin Darklighter n’a que seize ans, amiral. C’est un gamin.
— Il n’en a pas l’air.
Les barbillons d’Ackbar frémirent.
— Désolé, messieurs, juger de l’âge d’un humain par son aspect n’est pas dans mes compétences. Cependant, l’argument du général est valable : Darklighter est très jeune.
— Voulez-vous dire qu’un commandant ne prendrait pas Gavin s’il a besoin d’un pilote ? Je sais que Varth le ferait sans hésiter !
— Peut-être, commandant Antilles, mais Varth est plus doué que vous pour garder ses pilotes en vie. Et j’ai conscience qu’il n’a jamais affronté une Étoile Noire.
Mécontent, le chef de l’Escadron Rogue fronça les sourcils.
— Monsieur, Gavin est venu me trouver parce que Biggs et moi étions amis. Je me sens son obligé. De plus, ses scores de simulation sont excellents. Il passera le test Rédemption dans trois jours. Et il devrait s’en tirer très bien. Je voudrais lui donner comme équipier le Shistavanen Shiel. Je crois qu’ils travailleraient bien ensemble. Gavin est seul, il a besoin d’un foyer. Laissez-moi le prendre dans l’Escadron Rogue.
— À part ce problème d’âge, avez-vous une autre objection à ce choix ? demanda Ackbar à Salm.
— Dans ce cas précis, si Darklighter se débrouille bien pour le Rédemption, je ne vois pas d’objection à satisfaire le commandant Antilles.
Cela signifie qu’il va s’opposer d’emblée à mon choix de commandant en second. Je m’y attendais, mais ça ne me plaît pas.
— Je vous remercie, général. (Wedge sourit.) J’espère que vous serez également d’accord pour me laisser choisir mon second.
— Qui occupe actuellement ce poste ? demanda Ackbar.
— Le capitaine Aril Nunb, répondit Salm. Elle est la sœur de Nien Nunb, un des héros d’Endor. Elle est aussi bon pilote que son frère, avec qui elle a beaucoup travaillé quand elle était contrebandière. Sa présence dans l’escadron Rogue nous vaudrait le soutien du gouvernement de SoroSuub.
— Commandant, êtes-vous d’accord avec cette évaluation ?
— Non, monsieur.
— Alors, quel est le problème ?
— Aril est un excellent pilote, amiral, et j’aimerais l’avoir dans l’Escadron, mais pas comme second. Pour ce poste, j’ai besoin d’un pédagogue. Les capacités d’Aril, comme celles de son frère, sont intuitives. Elle n’est pas capable d’enseigner. Mes pilotes seraient frustrés, elle aussi, et ça n’est pas bon pour le moral du groupe.
— Vous avez un autre candidat à proposer ?
— Oui, monsieur. Tycho Celchu.
Salm explosa de colère, comme Wedge s’y attendait.
— Pas question ! Même s’il n’est pas en prison, je ne veux pas de lui sous mon commandement !
— En prison ! Il n’a rien fait pour la mériter ! dit Wedge, bouche bée d’étonnement.
— Il est impossible de lui faire confiance.
— Moi, je pense que oui.
— Voyons, Antilles, vous savez par quoi il est passé !
— Je ne sais qu’une chose, général : Tycho Celchu est un héros, un vétéran de Hoth, d’Endor et de Bakura. Il s’est porté volontaire pour piloter un chasseur Tie pris à l’ennemi pour une mission secrète sur Coruscant. Il a été capturé et il s’est évadé. Voilà tout !
Le visage de Salm se durcit.
— Vous dites qu’il s’est évadé. Mais peut-être l’ont-ils laissé partir.
— Oui, comme à Endor ! Général, je sais qu’avoir Tycho avec nous donnera à mes pilotes la meilleure chance de survie.
Salm leva les bras au ciel.
— Vous voyez, amiral, il refuse d’entendre la voix de la raison. Il sait que le capitaine Celchu est une menace, mais il refuse de l’admettre.
— Messieurs, je vous en prie ! Commandant Antilles, vous devez reconnaître que l’inquiétude du général Salm est justifiée.
— J’ai pensé à ce problème, monsieur. Et j’en ai parlé à Celchu. Il est d’accord pour que l’appareil qu’il pilotera lors des exercices soit équipé d’un dispositif de destruction à distance, qui sera activé s’il dévie du trajet prévu ou fait mine d’attaquer un de nos pilotes. Il a accepté de se déplacer uniquement s’il est accompagné d’un autre membre de l’escadron ou d’un agent de la sécurité. Enfin, il consent à ce que sa correspondance et ses dossiers informatiques puissent être examinés à volonté, et se déclare prêt à répondre à tout interrogatoire.
— Il reste toujours un risque que nous ne pouvons pas courir, dit Salm.
— Le capitaine Celchu a accepté toutes ces conditions ? s’étonna Ackbar.
— C’est un guerrier. Ce qu’il apprendra aux autres pilotes pourra leur sauver la vie. Bien entendu, je sais que le général Salm ne le laissera pas participer à un combat réel.
— Vous pouvez en être sûr !
— Sa seule façon de continuer à servir l’Alliance est de devenir instructeur. Vous devez lui donner cette chance.
Ackbar activa le comlink accroché à son col.
— Lieutenant Filla, dites au capitaine Celchu de venir me voir immédiatement. (Il se tourna vers Wedge.) Où est-il en ce moment ?
— Au complexe de simulation, je pense.
— Où ça ? s’étrangla Salm.
— Vous le trouverez au complexe de simulation, lieutenant. (Ackbar désactiva le comlink.) Commandant ?
— Tycho sait mieux que personne comment piloter un Tie. J’ai décidé de le laisser affronter Horn, dont c’était le tour de conduire le scénario Rédemption.
— Vous avez déjà pris des libertés contestables, lui reprocha Ackbar.
— Oui, monsieur, mais rien qui mette en danger mes pilotes, au contraire. J’ai été prudent.
— Il eût été beaucoup plus prudent de ne pas laisser le capitaine Celchu s’approcher des simulateurs ! s’écria Salm. Être un héros de la Nouvelle République ne vous autorise pas à jouer avec notre sécurité !
Il était sans doute un peu prématuré de laisser Tycho voler aujourd’hui…
— J’ai eu tort, général. Je vous présente mes excuses.
— Ce qui est fait est fait. Toutefois, inclure le capitaine Celchu dans le scénario l’a sans doute rendu plus difficile, n’est-ce pas ?
Wedge sourit.
— Oui, monsieur. C’est ce que je voulais. Horn est excellent. Le Thyferrien Bror Jace et lui sont les deux meilleurs pilotes du groupe. Horn est impatient. Ça risque de lui coûter la vie. Le seul moyen de lui mettre un peu de plomb dans la tête est de le faire « tuer » par quelqu’un de plus fort que lui lors des exercices. Tycho en est capable.
La porte du bureau d’Ackbar s’ouvrit. Un homme en combinaison de vol noire entra.
— Capitaine Celchu au rapport, monsieur.
Wedge lui fit un sourire rassurant.
— Capitaine Celchu, le commandant Antilles m’a dit que vous acceptez une quantité remarquable de restrictions. Est-ce vrai ?
— Oui, monsieur.
— Vous comprenez que vous serez aux commandes d’un bombardier sans arme, et que vous n’aurez virtuellement aucune liberté ?
— Oui, monsieur.
— Vous ne serez pas mieux traité que moi, quand j’étais l’esclave du Grand Moff Tarkin. Le général Salm pense que vous êtes potentiellement dangereux. Pourquoi acceptez-vous ces conditions ?
— C’est mon devoir, monsieur. J’ai choisi de me joindre à la Rébellion et je me suis porté volontaire pour la mission qui est à l’origine de mes problèmes. J’ai fait tout cela parce que je m’y étais engagé.
Le Calamarien ramassa un bloc-notes électronique sur son bureau.
— Voici les ordres nommant le capitaine Celchu commandant en second de l’Escadron Rogue, et y affectant Gavin Darklighter.
Salm grimaça.
Wedge se retint de sourire, mais il fit un petit clin d’œil à Tycho.
— Commandant Antilles, j’exige d’être informé de tout problème avec votre unité ou votre personnel. Et veuillez utiliser le droïd de protocole M-3PO mis à votre disposition ! Il vous aidera à faire vos rapports.
Le Corellien leva les yeux au ciel.
— Comme vous voulez, monsieur. Mais je pense qu’il serait plus utile ailleurs.
— Je ne doute pas que vous le pensiez, commandant. Mais ce type de décision est pris des officiers qui n’ont pas refusé plusieurs promotions…
— Oui, monsieur, concéda Wedge.
— Parfait. Je suis heureux que nous tombions d’accord. Rompez, tous les deux. Je suppose que vous avez des choses à fêter.
— Oui, monsieur !
— Au fait, capitaine, que pensez-vous des pilotes que vous avez affrontés dans le scénario Rédemption ?
Wedge regarda son second.
— Tu as eu Horn ?
Tycho rougit.
— Pas exactement… Amiral, si ces pilotes sont représentatifs du reste de l’escadron, je peux vous assurer que l’unité sera opérationnelle dans quelques mois. Ensuite, l’Empire n’aura qu’à bien se tenir !